Les facultes medicales

Cours de médecine, pharmacie et chirurgie dentaire

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L’insuffisance aortique (I.A.) peut se définir par l’absence ou l’insuffisance de coaptation diastolique des sigmoïdes aortiques, avec pour conséquence le reflux d’une certaine quantité de sang de l’aorte vers le ventricule gauche.

De nombreuses études ont été consacrées aux résultats du remplacement valvulaire pour I.A. et l’analyse de leurs résultats a conduit à préciser la date optimale de l’indication opératoire en fonction de la valeur pronostique des différents paramètres pré-opératoires, au premier rang desquels se trouve la fonction myocardique ventriculaire gauche.

 

aorte

 
1 Etiologie :

Il n’est pas possible d’établir une classification étiologique définitive de l’I.A., certaines affections causales ayant varié avec le temps (déclin de la syphilis) ou le lieu (disparition du R.A.A. des pays développés).

La répartition des étiologies est également différente selon les séries médicales, chirurgicales ou anatomiques.

1.1 Le rhumatisme articulaire aigu

Autrefois cause la plus fréquente (65%), il est dans les études plus récentes à l’origine d’environ 30% des I.A. chirurgicales et une lésion mitrale coexiste souvent avec l’atteinte aortique.

1.2 L’endocardite bactérienne

Sa fréquence évaluée entre 20 et 40% est identique à celle des I.A. d’origine rhumatismale, favorisée par une lésion préexistante, notamment une bicuspidie.

L’endocardite bactérienne représente la cause la plus fréquente des insuffisances aortiques aiguës.
1.3 Les anévrismes dystrophiques de l’aorte ascendante, ou maladie annulo-ectasiantes
Ils représentent la troisième grande cause de l’I.A. volumineuse (14% des cas pour ACAR et VALTY). La régurgitation est volumineuse dans près de la moitié des cas.

L’anévrisme peut être idiopathique ou secondaire à une maladie de Marfan, une maladie d’Ehlers-Danlos ou un pseudo-xanthome élastique (maladie de Gronblat-Stronberg).

1.4 La dissection aortique

Aiguë ou chronique, elle est à l’origine de 2 à 5% des I.A. sévères et la fréquence de l’I.A. au cours des dissections est estimée entre 30 et 60%.

1.5 Les dysplasies valvulaires isolées

Elles peuvent déterminer des régurgitations volumineuses (5% des cas pour ACAR). Certaines sont primitives, d’autres probablement secondaires à une atteinte rhumatismale.

1.6 La bicuspidie congénitale

Se complique plus souvent à l’âge adulte de sténose que d’insuffisance aortique (en dehors de l’endocardite infectieuse). Toutefois, une régurgitation peut survenir vers l’âge de 30 à 40 ans et cette étiologie représente 2 à 3% des I.A. volumineuses.

1.7 La syphilis

Elle est en nette régression, inférieure à 5%.

1.8 Les autres étiologies, plus rares

Les aortites d’origines diverses :

– spondylarthrite ankylosante où l’insuffisance aortique est une complication rare,
– maladie de Takayasu,
– les autres aortites inflammatoires : polyarthrite rhumatoïde, lupus, maladie de Behcet, aortite à cellules géantes.

Les traumatismes thoraciques pénétrants ou non, au cours desquels l’I.A. est la lésion valvulaire la plus fréquente.

Les malformations congénitales :

– en dehors de la bicuspidie, l’I.A. congénitale isolée est très rare,
– mais elle peut être associée à une C.I.V. (syndrome de Laubry et Pezzi), une coarctation aortique, un R.A. sous-valvulaire (80% des cas de j’adulte), un anévrisme du sinus de Valsalva, un anévrisme du septum membraneux.

1.9 Les insuffisances aortiques fonctionnelles

Elles sont secondaires à une dilatation transitoire de l’anneau aortique sous 1’effet d’une poussée d’hypertension artérielle, d’une surcharge hydro-sodée.

En fonction de l’âge :

– avant 35 ans : deux étiologies principales se partagent 85% des I.A. volumineuses : R.A.A. et endocardite bactérienne, les 15% restants étant secondaires à des dysplasies valvulaires ou des anévrismes dystrophiques.
– entre 35 et 55 ans : trois étiologies se partagent 80% des cas : endocardite infectieuse deux fois plus fréquente que le R.A.A., et en 3ème position les atteintes dystrophiques.
– au-delà de 55 ans : toutes les étiologies sont possibles.

2 Anatomie pathologique :

2.1 Les lésions aortiques
2.1.1 R.A.A

Au stade subaigu, les valves s’épaississent puis deviennent rigides, se rétractent, empêchant ainsi la coaptation diastolique. Plus rarement, elles sont d’aspect dysplasique.

Un prolapsus sigmoïdien est observé dans 25% des cas.

La fusion commissurale est classique mais inconstante (30%).

2.1.2 Endocardite infectieuse

Les lésions sont à la fois prolifératives (végétations) et le plus souvent destructrices :

– Les végétations sont formées d’amas fibrino-leucocytaires et microbiens, parfois exubérants, parfois friables, pouvant ultérieurement se calciner.
– Les valves peuvent être mutilées par des perforations uniques ou multiples, des déchirures des bords valvulaires. Elles peuvent s’éverser et se prolaber.
– Les atteintes para-valvulaires sont fréquentes : abcès de l’anneau et extension aux structures de voisinage : sinus de Valsalva dont les anévrismes mycotiques peuvent se rompre dans les cavités cardiaques droites, septum intra-ventriculaire avec troubles conductifs, grande valve mitrale qui peut être perforée, rarement un abcès myocardique.

2.1.3 Dystrophie de l’aorte ascendante

Les valves sont d’allure dysplasique dans près de la moitié des cas, fines, flasques, pouvant se prolaber ou s’éverser sous l’effet de la pression aortique. Cet aspect correspond a une dégénérescence myxoïde du tissu valvulaire avec disparition des fibres élastiques.

La dilatation de l’aorte initiale est d’un degré variable, réalisant parfois un véritable anévrisme en « bulbe d’oignon », maximum au niveau des sinus de Valsalva et se terminant souvent à la naissance du tronc brachio-céphalique artériel. La paroi aortique est mince, fragile, exposée à la rupture. Les dissections pariétales macro ou microscopiques sont fréquentes. La dilatation de l’anneau est habituelle.

2.1.4 La dissection aortique :

L’I.A. des dissections correspond à trois mécanismes principaux :

– distension de l’anneau en cas de dissection circonférentielle distale,
– abaissement sous le plancher de l’anneau d’une ou plusieurs sigmoïdes,
– prolapsus valvulaire par déchirure intimale sus-jacente.

2.1.5 Dysplasie valvulaire Isolée :

L’aspect macroscopique est identique à celui des dystrophies aortiques.

2.1.6 Les aortites :

– Syphilis : dysjonction des commissures par les plaques gélatiniformes endo-aortiques, avec un bord libre des valves épaissi. Possibilité de calcifications valvulaires secondaires.
L’atteinte aortique prédomine sur la portion ascendante qui est anévrysmale, et secondairement peut se calcifier.
– Athérome : l’I.A. est la conséquence de la dilatation de l’aorte thoracique. Pas de symphyse commissurale.
– Spondylarthrite ankylosante : atteinte valvulaire par des plaques hyalines, dysjonction commissurale, dilatation de l’anneau.
– Maladie de Takayasu : lésions proches de la syphilis avec dilatation de l’aorte ascendante, parfois anévrysmale.

2.1.7 L’I.A. traumatique

Déchirure sigmoïdienne avec capotage valvulaire et prolapsus.

2.2 Le retentissement ventriculaire gauche

Dans l’I.A. chronique évoluée, le ventricule gauche est dilaté et hypertrophié, réalisant le classique « coeur de boeuf », qui peut peser jusqu’à 1 000 grammes. L’endocarde est pâle et en regard du jet régurgitant, il peut exister des zones dépolies et blanchâtres.

Les altérations ultrastructurales varient avec le stade évolutif : myofibrilles d’abord hypertrophiées, puis apparaissent des signes de dégénérescence cellulaire entraînant une diminution de la contractilité.

Pour certains auteurs, il y a corrélation entre le degré de l’altération ultrastructurale et l’altération de la fonction ventriculaire gauche.

3 Physiopathologie :

3.1 La régurgitation aorto-ventriculaire

La quantité de sang régurgitée dépend de 3 paramètres principaux : la surface fonctionnelle de l’orifice aortique en diastole, l’importance du gradient de pressions diastolique entre aorte et ventricule gauche, enfin la durée de la diastole.

3.2 Les mécanismes d’adaptation du ventricule gauche

3.2.1 dans l’insuffisance aortique chronique :

Le mécanisme principal d’adaptation est la dilatation ventriculaire.
L’augmentation du remplissage dû au volume régurgité tend à augmenter la contrainte pariétale diastolique et l’augmentation du volume télédiastolique ainsi obtenu permet un volume d’éjection systolique important, sans modification du pourcentage d’éjection.

L’éjection d’un important volume du sang vers l’aorte entraîne une augmentation de pression systolique.

A la différence de l’insuffisance mitrale, l’I.A. augmente non seulement la pré-charge, mais aussi la post-charge. La dilatation ventriculaire s’accompagne de modifications de la morphologie de la cavité qui devient plus sphérique en diastole. Du fait de l’augmentation du rayon de la cavité en diastole, la tension pariétale nécessaire pour développer la pression intra-cavitaire est accrue et l’hypertrophie pariétale se développe.

La compliance de la cavité ventriculaire est augmentée, ce qui permet une faible augmentation de la pression de remplissage malgré un important volume télédiastolique, évitant ainsi la congestion pulmonaire.

Au stade de compensation, la combinaison de la dilatation et de l’hypertrophie permet une augmentation de la performance cardiaque.

Ces mécanismes d’adaptation permettent une bonne tolérance fonctionnelle pendant de nombreuses années, mais les altérations ultrastructurales et biochimiques vont évoluer vers l’irréversibilité sans que les déterminants exacts et le seuil de celle-ci soient parfaitement connus.

La dilatation ventriculaire va se majorer, l’éjection ventriculaire va diminuer avec baisse de la fraction d’éjection et augmentation du résidu télésystolique. La compliance ventriculaire diminue progressivement, l’efficacité myocardique diminue malgré l’augmentation de la masse.

A un stade évolué, les pressions pulmonaires s’élèvent et le débit cardiaque s’abaisse.

3.2.2 Dans l’insuffisance aortique aiguë :

Le ventricule gauche n’a pas le temps de s’adapter à ces nouvelles conditions et de se transformer comme il le fait dans l’I.A. chronique. N’étant pas dilaté, le VG ne peut répondre à la surcharge volumétrique aiguë par une augmentation de son volume d’éjection et la pression de remplissage s’élève rapidement. L’élévation rapide de celle-ci au-dessus de la pression auriculaire gauche entraîne la fermeture prématurée de la valve mitrale, protégeant ainsi partiellement la circulation pulmonaire. Mais assez rapidement, et en l’absence d’intervention, la situation hémodynamique se dégrade.

3.3 Oxygénation myocardique

Dans les I.A. chroniques, l’élévation de la consommation en oxygène du myocarde, secondaire à l’élévation de la masse myocardique, est satisfaisante dans les conditions de repos avec augmentation parallèle du débit coronaire.

L’ischémie myocardique qui peut être déclenchée à l’effort touche surtout les couches sous-endocardiques et participe probablement à la dégradation de la fonction ventriculaire gauche.

4 Signes cliniques et examens complémentaires

4.1 La symptomatologie fonctionnelle

L’I.A. chronique peut rester asymptomatique pendant plusieurs décennies grâce au mécanisme d’adaptation du ventricule gauche. Si les I.A. importantes finissent toujours par se décompenser, les fuites de petit ou de moyen volume peuvent rester indéfiniment bien tolérées.
Dyspnée de degrés divers.

Angor plus rare que dans le rétrécissement aortique avec une signification pronostique péjorative. Il survient à l’effort dans un quart des cas, spontané et volontiers nocturne dans un quart des cas.
Lipothymies fréquentes. Syncopes rares.

Dans l’insuffisance aortique aiguë, l’insuffisance des mécanismes compensateurs explique la précocité des manifestations cliniques : IVG et angor.

4.2 Les signes physiques
4.2.1 Palpation

Dans les grosses I.A. : choc de pointe étalé, violent (choc en dôme), volontiers dévié en bas et à gauche.

4.2.2 Auscultation

Le souffle diastolique est l’élément majeur, au foyer aortique et en bord gauche sternal, d’une intensité variable, se prolongeant plus ou moins dans la diastole, mieux entendu en position assise et penchée en avant, en expiration forcée.

Le souffle systolique d’accompagnement

Clic d’éjection protosystolique et pistol shot, bruit mésosystolique sec et claqué, lié à la distension rapide et brutale de l’aorte.

Roulement de Flint à la pointe (R. M. fonctionnel par refoulement des valves sous l’effet du flux régurgitant).

Bruit de galop présystolique ou protodiastolique dans les formes évoluées.
Premier bruit volontiers atténué ou aboli à la pointe.

4.2.3 Les signes périphériques

Bien corrélés à l’importance de la régurgitation :

– pression artérielle diastolique inférieure à 50 mm de mercure si fuite massive et la pression systolique est élevée, d’où un élargissement de la différentielle.
– pouls artériel très ample.
– hyperpulsatilité artérielle bien visible sur les axes carotidiens, et à l’origine d’une série d’autres signes plus inconstants et de moindre importance : mouvements de la tête rythmés par les battements cardiaques (signe de Musset), pouls capillaire visible au niveau du lit unguéal, double souffle crural intermittent de Duroziez perçu à l’auscultation des artères fémorales, hippus pupillaire (myosis systolique, mydriase diastolique).

4.3 Les signes radiologiques

La déformation de la silhouette cardiaque est fonction du volume et de l’ancienneté de la régurgitation.

Gros coeur avec dilatation du ventricule gauche.
Dilatation de l’aorte ascendante.
En scopie. mouvement de bascule VG-aorte.
Calcifications orificielles et de l’aorte initiale.
Retentissement pulmonaire: IVG, poumon cardiaque.

4.4 Les signes électrocardiographiques

Rythme sinusal le plus souvent F.A. dans les I.A. majeures, témoignage du retentissement myocardique.

HVG du type diastolique dont le degré est souvent parallèle au volume de l’I.A. Surcharge systolique si insuffisance aortique importante.

Troubles de la conduction (atteinte myocardique) : BAV1, BBG, hémibloc antérieur gauche.
Dans les formes sévères, aspect de pseudo-nécrose myocardique en l’absence de toute lésion coronarienne (fibrose endomyocardique).

4.5 Phonomécanogramme

Il confirme les données de l’auscultation et précise leur chronologie.
Le carotidogramme est de morphologie particulière : ascension rapide avec un sommet souvent bifide (pouls bisfériens) avec abaissement, voire disparition de l’incisure catacrote. Temps d’éjection corrigé augmenté. Temps de demi-ascension normal.

Apexogramme : dans les grandes insuffisances aortiques, onde A ample et large.

4.6 Echocardiogramme

Plus que le diagnostic positif d’insuffisance aortique reposant sur l’examen clinique, l’échocardiogramme est utile pour le diagnostic étiologique et l’appréciation du retentissement ventriculaire gauche.

4.6.1 Les signes directs

Le seul signe échographique direct d’I.A. est la séparation diastolique des valves, mais c’est un signe inconstant et peu fiable.

La régurgitation est en fait affirmée par l’existence de fines vibrations diastoliques : fluttering de la grande valve mitrale, plus rarement de la petite valve. Ce signe très sensible, observé dans les I.A. légères, a seulement une valeur qualitative. Il disparaît en cas de rigidité de la valve mitrale.

4.6.2 Les renseignements étiologiques

L’échographie en mode TM et surtout bidimensionnelle apporte des renseignements étiologiques.
Formes rhumatismales : sigmoïdes épaissies, amplitude d’ouverture réduite, un certain degré de symphyse commissurale, éventuelle atteinte rhumatismale d’un autre orifice.

Endocardite bactérienne : végétations sous forme de masses brillantes très mobiles, appendues à une sigmoïde, prolapsus fréquents, perforation valvulaire plus difficile à voir, atteinte périvalvulaire sur valve native et quasi constante sur prothèse avec abcès de l’anneau, anévrisme mycotique, trajet f fistuleux vers d’autres cavités cardiaques.

Lésions dystrophiques : fluttering systolique et diastolique d’une valve dysplasique, valves fines qui peuvent se prolaber vers la cavité ventriculaire, atteinte de l’aorte ascendante (anévrisme dystrophique ou dissection), élargissement de l’anneau aortique.
La bicuspidie est assez facilement détectée.

4.6.3 Le retentissement ventriculaire gauche, en mesurant :

– le degré de dilatation ventriculaire,
– la fonction systolique,
– l’hypertrophie et son adaptation à la dilatation,
– d’autres variables telle la contrainte pariétale si l’examen est couplé à l’enregistrement des pressions.

Bien corrélé aux mesures angiographiques.

4.6.4 Le Doppler couplé à l’échographie

Permet de détecter et de quantifier l’insuffisance aortique avec une sensibilité et une spécificité très satisfaisantes.

Bonne corrélation avec les données angiographiques.

4.7 Les techniques isotopiques

Elles permettent de quantifier la régurgitation et d’évaluer la fonction ventriculaire gauche.
Le rapport des volumes d’éjection VG et VD permet de déterminer un indice de régurgitation et la fraction de régurgitation.

Bonne corrélation avec les mesures angiographiques.

A l’état basal, le calcul par méthode isotopique de la fraction d’éjection ventriculaire gauche est bien corrélé avec les résultats angiographiques.

L’intérêt des isotopes réside dans la possibilité d’explorations dynamiques : l’angiographie isotopique peut révéler dans certaines insuffisances aortiques la fraction d’éjection normale au repos, une baisse de ce paramètre à l’effort, témoignage d’une dysfonction VG latente.

4.8 Hémodynamique et angiographie

Le cathétérisme se propose :

– d’évaluer le degré de la régurgitation,
– d’apprécier son retentissement sur la fonction VG,
– d’apporter des renseignements morphologiques et étiologiques.

4.8.1 Évaluation de la régurgitation
4.8.1.1 Méthode qualitative

La régurgitation diastolique du produit de contraste injecté dans l’aorte ascendante est habituellement cotée en 4 stades :

– Léger reflux dans la chambre de chasse VG évacué à la systole suivante.
– Opacification modérée de tout le VG, persistant à la systole suivante, de densité inférieure à l’aorte.
– Opacification dense de tout le VG, s’accentuant lors des cycles suivants et de densité égale à celle de l’aorte.
– Opacification VG dès la première diastole, plus dense que celle de l’aorte.

Cette graduation simple est en partie subjective et ses résultats sont mal corrélés avec les mesures quantitatives. Ces discordances peuvent tenir à des raisons techniques (position du cathéter, volume et vitesse d’injection, incidences), mais aussi aux conditions anatomiques (dilatation de l’aorte ascendante, du VG entraînant une sous-estimation de la régurgitation).

4.8.1.2 Méthode quantitative

La différence entre le volume d’éjection systolique VG total mesuré par méthode angiographique et le volume d’éjection systolique périphérique mesuré par Fick ou dilution permet d’obtenir le volume régurgité et la fraction régurgitée.

VR = VES total – VES périphérique.
FR = VR / VES total.
FR inférieur à 20% = I.A. légère.
Entre 20 et 40% = I.A. modérée.
Entre 40 et 60% = I.A. importante.
Supérieure à 60% = I.A. sévère.

Ce type de mesure n’est pas exempt d’erreur, notamment sur les volumes ventriculaires, et nécessite la simultanéité des deux mesures ou du moins une fréquence cardiaque identique au moment de l’angiographie et de la mesure des débits cardiaques. Méthode non utilisable si coexistence d’une I.M.

4.8.2 Retentissement sur les pressions intra-cardiaques et la fonction ventriculaire gauche.

4.8.2.1 Dans l’I.A. chronique

– courbe aortique : ascension brutale, sommet acuminé suivi d’une descente curviligne avec disparition du dicrotisme. Pression systolique élevée avec un abaissement de la pression diastolique souvent inférieure à 50 mm de mercure, d’où augmentation de la différentielle.
– courbe VG : parfois un sommet plus tardif que celui de l’aorte, avec une pression systolique souvent supérieure de quelques millimètres (R.A. fonctionnel). Pression télédiastolique longtemps normale au repos et ne s’élévant qu’à un stade évoluÈ, pouvant égaler la pression aortique dans les diastoles longues. Ce n’est que tardivement que la pression des cavités droites s’élève et que le débit cardiaque diminue.

4.8.2.2 Dans l’I.A. aiguë

L’augmentation de la pré-charge du ventricule gauche peu compliant entraîne une augmentation précoce et marquée de la PTVG, limitant la chute de la pression diastolique aortique. Le volume d’éjection et la pression systolique augmentent peu car l’insuffisance des mécanismes d’adaptation entraîne une baisse rapide du débit cardiaque.

4.8.2.3 Retentissement sur la fonction ventriculaire gauche

La dilatation ventriculaire souvent notable, fonction du volume de régurgitation, de l’ancienneté de celle-ci, de la qualité du myocarde.

Elle se traduit par l’augmentation des volumes mesurés à l’angiographie, avec un volume télédiastolique souvent double de la normale dans l’insuffisance aortique chronique.

Le volume télésystolique est normal au stade de compensation et son élévation au-delà de 90 ml/m est considérée comme un facteur de mauvais pronostic post-opératoire.
Évaluation de la fonction systolique : parmi les indices calculés, la fraction d’éjection est largement utilisée, reflétant assez bien l’état myocardique.

L’hypertrophie pariétale entraînant une augmentation de la masse myocardique est peut-être plus importante que celle observée dans la sténose aortique.

La fonction diastolique : le remplissage ventriculaire est ralenti et prolongé.

Valeurs pronostiques des paramètres angiographiques (volume TD et TS, F.E., masse myocardique) : parfaitement démontrées (ACAR) pour la durée et la qualité de la survie après remplacement valvulaire.

4.8.3 Les données morphologiques

Le VG des I.A. chroniques est dilaté, sphérique.
L’angiographie dépiste une I.M. associée.
L’aortographie apprécie l’état des valves et de l’anneau aortique.
L’opacification aortique reste l’examen de référence pour l’analyse de l’aorte ascendante, notamment dans les I.A. dystrophiques.

Au-delà de 50 ans ou avant cet âge en présence d’angor, la coronarographie fait partie du bilan pré-opératoire bien que la fréquence des lésions coronariennes soit ici moins grande que dans la sténose aortique.

5 Evolution spontanée :

5.1 L’insuffisance aortique chronique

L’évolution spontanée dépend d’un certain nombre de paramètres étiologie, volume de régurgitation, bonne tolérance.

5.1.1 Facteurs pronostiques de l’évolution spontanée

Malgré les problèmes méthodologiques qui rendent difficile la comparaison de ces différentes études, un certain nombre de points communs se dégagent :

– Les I.A. discrètes ou modérées sont longtemps bien tolérées en l’absence de greffe bactérienne.
– La période asymptomatique est souvent prolongée.
– Les formes avec insuffisance cardiaque et avec angor ont un pronostic sévère.

Une cardiomégalie radiologique importante implique un risque évolutif spontané, même en dehors de signes fonctionnels.

Les données échographiques viennent s’ajouter aux signes cliniques et radiologiques et il faut souligner l’importance pronostique de la dilatation et de l’atteinte de la fonction VG : une régurgitation volumineuse avec dilatation VG autorise le maintien pendant plusieurs années d’un bon état fonctionnel et d’une bonne fonction myocardique, mais la détérioration de celle-ci entraîne rapidement une dégradation fonctionnelle.

5.1.2 Les complications

Certaines dépendent de l’étiologie :

– rupture ou dissection en cas d’anévrisme dystrophique,
– complications coronariennes de la coronarite ostiale d’une insuffisance aortique syphilitique,
– prolapsus sigmoïdien dans les dysplasies valvulaires.

L’I.A., en dehors de son étiologie, est la valvulopathie la plus exposée à l’endocardite infectieuse, et elle représente le tiers des endocardites, ce qui justifie une prophylaxie particulièrement soigneuse dans tous les cas.

5.2 L’insuffisance aortique aiguë

Celle-ci, le plus souvent d’origine bactérienne, est caractérisée par la fréquence, la précocité et la sévérité des signes d’insuffisance cardiaque, contrastant avec l’absence ou la discrétion de la cardiomégalie.

Des complications septiques peuvent s’ajouter aux effets hémodynamiques de la régurgitation.

6 Le traitement :

Comme toutes les valvulopathies sévères, le traitement de l’I.A. est chirurgical par prothèse mécanique ou biologique.

Mortalité : 4 à 7% selon l’étiologie et le stade de l’I.A.

Le traitement médical de l’insuffisance cardiaque dans les formes évoluées en attente de la chirurgie : mesures hygiéno-diététiques, tonicardiaques, diurétiques, vaso-dilatateurs artériels, afin de réduire le volume de régurgitation.

Prophylaxie infectieuse importante : traitement antibiotique de toute infection bactérienne, exérèse des foyers infectieux potentiels, dentaires ++, couverture antibiotique des soins ou extractions dentaires, endoscopie, manipulations urologiques, etc…

7 Evolution post-opératoire :

7.1 Devenir des opérés d’une insuffisance aortique chronique

L’évolution dépend avant tout de la dysfonction myocardique et les différentes études cliniques, hémodynamiques, échographiques et isotopiques montrent que la normalisation des indices de fonction ventriculaire gauche est inconstante, l’amélioration étant beaucoup plus incomplète que dans le rétrécissement aortique. De nombreuses études confirment la réalité et la fréquence d’altérations irréversibles du ventricule gauche .

7.2 L’évolution post-opératoire de l’I.A. aiguë

Le risque est accru et la mortalité précoce est le plus souvent de cause hémodynamique et non infectieuse, la principale complication tardive étant la désinsertion prothétique pouvant conduire à des interventions itératives.

Lorsque l’intervention est pratiquée après stérilisation, le pronostic est lié à la date d’intervention : bon résultat tardif pour des malades opèrés à 4 à 6 mois après l’épisode bactérien.

8 Les indications opératoires :

8.1 Dans l’insuffisance aortique chronique

8.1.1 Patients symptomatiques avec une gêne fonctionnelle importante : intervention chirurgicale.

Les résultats lointains sont d’autant meilleurs que le retentissement myocardique est moins avancé.
Dans les formes avec altération grave de la fonction VG, la récupération est éventuellement possible.

8.1.2 Patients pauci ou asymptomatiques

Il est apparu nécessaire d’opérer certains malades sur des critères objectifs dans le but de préserver la fonction ventriculaire gauche. Pour cela, nécessité d’une exploration complète avec cathétérisme et angiographie.

Si le ventricule gauche est peu dilaté avec une cinétique systolique conservée ou peu diminuée, le patient peut être surveillé par des évaluations cliniques, radiologiques et échographiques régulièrement répétées.

En cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère, le pronostic post-opératoire reste globalement satisfaisant et les résultats favorables tant que la gêne fonctionnelle est légère ou nulle.

Actuellement, les excellents résultats chirurgicaux à long terme et le risque opératoire faible dans ce lot d’opérés incitent à proposer l’intervention sans attendre l’apparition d’une gêne fonctionnelle invalidante : pour ACAR, intervention si :

– volume télédiastolique supérieur à 200 ml/m,
– fraction d’éjection inférieure à 0.50,
– rapport cardio-thoracique supérieur à 0.58,
– échographie : diamètre systolique supérieur à 50 mm et diastolique supérieur à 76 mm.

8.2 Dans l’insuffisance aortique aiguë

La sévérité de l’évolution spontanée de l’endocardite bactérienne aiguë dès que les signes d’insuffisance cardiaque sont apparus, incite à des indications opératoires larges, malgré une mortalité opératoire assez lourde en cas d’intervention à la phase aiguë.

L’idéal est de pouvoir attendre, si la tolérance hémodynamique le permet, que le traitement antibiotique ait stérilisé les lésions. Dans ce cas, si la régurgitation est importante, l’indication opératoire ne doit pas étre trop si différée.

La constatation de signes d’insuffisance ventriculaire gauche, même débutante, doit conduire à une intervention rapide, quel que soit l’état infectieux, le risque opératoire en phase septique étant moindre que celui de la poursuite du traitement médical.

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