Arrêt cardiaque chez l’enfant : toujours le bouche à bouche
Publié par La Pharmacienne le Mars 11 2010 21:15:33
Jusqu’à une époque récente, il était recommandé aux témoins d’un arrêt cardio-respiratoire (ACR) de débuter une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) associant massage cardiaque externe (MCE) et bouche à bouche (ou bouche à nez) quelle que soit la cause de l’arrêt cardiaque ou l’âge du patient...

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Jusqu’à une époque récente, il était recommandé aux témoins d’un arrêt cardio-respiratoire (ACR) de débuter une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) associant massage cardiaque externe (MCE) et bouche à bouche (ou bouche à nez) quelle que soit la cause de l’arrêt cardiaque ou l’âge du patient.

En 2008 cependant, l’American Heart Association a modifié ses directives en recommandant le MCE seul pour les ACR de l’adulte de cause cardiaque (se traduisant par un « effondrement » brutal). Ce tournant important était lié au fait que les résultats des deux méthodes paraissaient similaires (voire supérieurs pour le MCE seul en cas de fibrillation ventriculaire [FV]) et que le MCE seul est beaucoup plus facile à réaliser correctement par des non professionnels.




Quelle technique de réanimation cardio-pulmonaire chez l’enfant ?

La question du type de RCP à recommander chez l’enfant restait jusqu’ici en suspens car une extrapolation des résultats observés chez les adultes paraîtrait hasardeuse ne serait-ce qu’en raison des étiologies très différentes des ACR en fonction de l’âge, les causes cardiaques, largement prédominantes chez l’adulte, étant beaucoup plus rares chez l’enfant.


La plus vaste étude de cohorte conduite sur ce sujet, qui vient d’être publiée par le Lancet, permet d’apporter des éléments de réponse.


Ce travail prospectif japonais a concerné 5 170 épisodes d’ACR survenus en ambulatoire chez des enfants de plus d’un an et de moins de 17 ans sur une période de 3 ans (entre 2005 et 2007). Le critère principal de pronostic était la survie à un mois sans séquelles neurologiques importantes (catégorie de Glasgow Pittsburgh 1 ou 2, c'est-à-dire absence de handicap ou handicap modéré).





Une prédominance des étiologies extra-cardiaques

Ce travail a d’abord confirmé les grandes différences étiologiques entre les ACR extra-hospitaliers des adultes et des enfants puisque dans cette tranche d’âge les causes extra-cardiaques ont représenté 71 % des cas (avec une prédominance des étiologies externes : traumatismes, noyades, pendaisons, overdoses, asphyxies…). Il est significatif de constater à cet égard que contrairement aux adultes, les FV ou les tachycardies ventriculaires (TV) sans pouls sont très rares chez l’enfant (4,8 %) alors que les asystolies et les dissociations électro-mécaniques prédominent (respectivement 76,8 et 18,4 %). Comme chez l’adulte, le pronostic global est sombre puisque le taux de survie à un mois n’a été que de 9,2 % avec seulement 3,2 % des enfants vivants sans séquelles neurologiques importantes à un mois.





Un meilleur pronostic avec la réanimation conventionnelle

A partir de ce très grand nombre de dossiers d’ACR extra-hospitaliers il a été possible d’évaluer le retentissement sur le pronostic neurologique à moyen terme de multiples paramètres. L’importance d’une RCP par les témoins de l’ACR a tout d’abord été confirmée (odd ratio de survie sans séquelles neurologiques à un mois 2,59 ; p<0,0001).


Chez les 2 439 enfants ayant bénéficié d’une RCP par les témoins, il a été possible de distinguer 1 551 RCP conventionnelles (avec bouche à bouche ou bouche à nez) et 888 MCE seuls. En cas d’ACR de cause cardiaque, le pronostic neurologique à moyen terme n’a pas été influencé par le type de RCP pratiqué (8,9 % de « bons » résultats avec la RCP classique contre 9,9 % avec le MCE seul). Mais, en revanche, pour les ACR de causes non cardiaques, le pronostic a été très nettement meilleur avec la RCP conventionnelle (7,2 % de survie sans séquelles neurologiques importantes à un mois contre 1,6 % avec le MCE seul ; OR : 5,54).


Cette étude de cohorte n’a bien sûr pas le même niveau de preuve qu’un essai randomisé et on ne peut écarter en particulier l’hypothèse selon laquelle les témoins qui ont pratiqué une RCP conventionnelle, mieux formés, délivraient un MCE plus efficace que ceux qui ne faisaient pas de bouche à bouche.


Cette réserve essentielle étant faite, il semble que l’on puisse estimer que, jusqu’à preuve du contraire, la RCP conventionnelle est supérieure au MCE seul en cas d’ACR de cause non cardiaque chez l’enfant.





Quelle type de réanimation recommander en pratique ?

Les conséquences que devrait avoir cette étude sur les recommandations et sur la politique de formation du grand public à la RCP sont controversées.


Pour les auteurs il conviendrait de former la population générale au MCE seul et de réserver l’apprentissage de la RCP conventionnelle aux sujets étant en contact fréquent avec des enfants.


Pour l’éditorialiste du Lancet cette stratégie pourrait conduire à une perte de chance pour beaucoup d’enfants victimes d’ACR et il serait préférable soit de recommander la RCP conventionnelle quel que soit l’âge, soit de conseiller la RCP conventionnelle chez l’enfant et le MCE seul chez l’adulte (si la cause de l’ACR est cardiaque).


De fait en raison du risque de confusion entraîné par des recommandations complexes et/ou contradictoires, il est urgent que se dégage un consensus international dans ce domaine.



Dr Anastasia Roublev, JIM

1) Kitamura T et coll. : Conventionnal and chest-compression-only cardiopulmonary resuscitation by bystanders for children who have out-of-hospital cardiac arrests : a prospective, nationwide, population-based cohort study. Lancet 2010; publication avancée en ligne le 3 mars 2010 (DOI:10.1016/S0140-6736(10)60064-5).
2) Lopez-Herce J et coll. : Bystander CPR for paediatric out-of-hospital cardiac arrest. Lancet 2010; publication avancée en ligne le 3 mars 2010 (DOI:10.1016/S0140-6736(10)60316-9).