Epargner les anti-rétroviraux en traitant l’HSV-2 ?
Publié par La Pharmacienne le Mars 12 2010 14:25:09
La co-infection HIV-Herpès virus de type 2 (HSV-2) est fréquente puisqu’on estime que 70 à 90 % des sujets infectés par le HIV sont séropositifs pour HSV-2. Or, par des mécanismes qui ne sont pas tous élucidés, la réactivation de l’infection à HSV-2, très banale au cours de l’infection à HIV, augmente la réplication du HIV...

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La co-infection HIV-Herpès virus de type 2 (HSV-2) est fréquente puisqu’on estime que 70 à 90 % des sujets infectés par le HIV sont séropositifs pour HSV-2. Or, par des mécanismes qui ne sont pas tous élucidés, la réactivation de l’infection à HSV-2, très banale au cours de l’infection à HIV, augmente la réplication du HIV.


Chez les sujets co-infectés et n’ayant pas encore atteint le niveau de CD4+ impliquant l’initiation d’un traitement anti-rétroviral, il pourrait donc être intéressant de traiter la co-infection éventuelle par le HSV-2, puisqu’en théorie ceci pourrait peut-être ralentir l’évolution de l’infection à HIV. Des études randomisées ayant déjà montré que des anti-viraux dirigés contre le HSV-2 (acyclovir ou valacyclovir) diminuaient la charge virale HIV, un groupe international (financé par la fondation Bill et Melinda Gates) a entrepris en Afrique sub-saharienne un vaste essai randomisé pour vérifier si cet effet virologique se traduisait en bénéfice immunologique et clinique.




Un ralentissement modeste de la progression de l’infection à HIV

Un total de 3 381 sujets hétérosexuels co-infectés par les deux virus, ayant plus de 250 CD4+ par microlitre et ne recevant pas d’anti-rétroviraux ont été randomisés en double aveugle entre un groupe acyclovir (400 mg deux fois par jour) et un groupe placebo, le traitement devant être pris durant 2 ans. Le critère principal de jugement était la survenue de l’un des trois événements suivants : baisse du taux de CD4+ au dessous de 200, initiation d’un traitement antirétroviral ou décès de cause non traumatique.


Une réduction significative mais modeste de la progression de l’infection à HIV a été constatée dans le groupe acyclovir avec un 11,6 sujets sur 100/an répondant aux critères de jugement principal contre 13,6 sous placebo soit une réduction de 16 % (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre - 2 et - 29 % ; p=0,03).




Faut-il traduire ces résultats en pratique ?

En théorie ces résultats pourraient conduire à recommander, dans les pays à revenus bas ou moyens, un traitement continu par acyclovir chez les sujets co-infectés ayant plus de 250 CD4+ dans le but de retarder la mise sous anti-rétroviraux et donc d’économiser des ressources financières et sanitaires limitées. Mais en pratique, la question mérite d’être débattue.


Car cette étude a de nombreuses limitations liées aux difficultés du terrain. Parce que un tel traitement pour être efficace requiert une bonne observance ce qui est difficile à obtenir sur une longue durée alors qu’aucun avantage ne peut être ressenti par les patients. Car le bénéfice obtenu est limité (il se traduirait par un gain de 6,3 mois pour l’initiation du traitement anti-rétroviral pour les sujets ayant plus de 350 CD4+ à l’origine) et doit être mis en balance avec le coût, même modeste, de cette intervention pharmacologique. Enfin parce que l’application des nouvelles recommandations de l’International Aids Society (entreprendre le traitement anti-rétroviral en dessous de 350 CD4+) qui permettrait d’obtenir de meilleurs résultats en terme de progression de la maladie doit sans doute demeurer l’objectif prioritaire.



Dr Nicolas Chabert, JIM

Lingappa J et coll.: Daily aciclovir for HIV-1 disease progression in people dually infected with HIV-1 and herpes simplex virus type 2: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2010; 375: 824-833.