Triglycérides et risque coronarien : l’apport de la génétique
Publié par La Pharmacienne le Mai 21 2010 07:13:57
Le lien de causalité entre le risque coronarien et l’hypertriglycéridémie (HTG) reste jusqu’à présent incertain ; des études épidémiologiques prospectives l’ont rapporté, mais ce lien disparaît après ajustement sur le cholestérol HDL et LDL. De même, les études d’intervention n’ont pas permis de mettre en évidence un bénéfice du traitement des triglycérides (TG) car ces traitements (statines, fibrates, acide nicotinique) affectent également les autres paramètres lipidiques. C’est pourquoi une équipe britannique s’est intéressée à un variant génétique impactant la concentration en TG, comme le polymorphisme du gène de l’apolipoprotéine A5 (APOA5), qui en est le déterminant génétique le plus puissant. L’association entre un variant de régulation du promoteur de APOA5 (-1131T>C ou rs662799) et le taux de TG a déjà été mise en évidence dans d’autres études, de même que son lien avec les maladies coronaires, mais avec une puissance insuffisante. En utilisant une méthode de randomisation mendélienne, les auteurs ont pu ainsi analyser les résultats de 101 études prospectives dans une vaste méta-analyse.


Tout d’abord, en effectuant une méta-analyse à partir des données de 73 252 patients provenant de 39 études, ils ont montré les effets de rs662799 sur la concentration des TG ; puis, ils ont confirmé l’association entre rs662799 et le risque de maladie coronarienne à partir de 20 842 patients atteints et 35 206 contrôles. Enfin, ils ont estimé le risque d’atteinte coronarienne conféré par une augmentation des TG semblable à celle observée avec rs662799 chez 302 430 participants dont 12 785 porteurs de maladie coronarienne. La puissance de cette analyse provient du grand nombre de sujets cas/contrôles étudiés. Les résultats montrent que chaque allèle de rs662799 est associé à une augmentation des TG de 16 % [12,9-18,7 %, IC 95 %] ou de 0,25 mmol/l (0,20-0,29), et à un odds ratio de 1,18 (1,11-1,26) pour les maladies coronariennes. De plus, rs662799 n’est pas significativement associé aux autres facteurs de risque et ses effets sur les autres paramètres lipidiques sont faibles (moins de 3,5 %). Par ailleurs, le risque coronarien attendu (hazard ratio) pour une augmentation de 16 % des TG est estimé à 1,10 (1,08-1,12). Ainsi, la probabilité d’une atteinte coronarienne avec rs662799 est concordante avec celle d’un taux identique de TG. Cependant, dans les deux cas, après ajustements sur les autres facteurs de risque en incluant les paramètres lipidiques, cette association n’est pas retrouvée.


L’étude de ce variant génétique de l’APOA5 régulant le taux de TG a donc permis de fournir des arguments solides en faveur d’une relation causale avec les maladies coronariennes grâce à l’utilisation bien conduite d’une randomisation mendélienne. Cependant, une interprétation prudente de ces conclusions est nécessaire car la nature réelle des effets des TG sur le risque coronarien nécessite encore des clarifications (éditorial).


Dr Stéphanie Girard, JIM

Sarwar N et coll. : Triglyceride-mediated pathways and coronary disease: collaborative analysis of 101 studies. Lancet 2010, 375;1634-39.
Pare G et coll : Editorial: Mendelian randomisation, triglycerides, and CHD. Lancet 2010, 375;1584-6.