Fibrates : quelle place en prévention cardiovasculaire ?
Publié par La Pharmacienne le Mai 22 2010 09:31:37
Depuis l'apparition des statines, après avoir été sur le devant de la scène pendant quelques lustres, les fibrates ont été relégués aux seconds rôles. Les statines les ont en effet supplantés après avoir largement démontré leur efficacité sur les taux de LDL-cholestérol (LDL) et surtout leur capacité à réduire la morbi-mortalité cardiovasculaire tant en prévention primaire que secondaire. A l’inverse, les fibrates qui, eux, agissent principalement en augmentant le HDL et en diminuant les taux de triglycérides (tout en abaissant plus modestement ceux de LDL) ont jusqu'ici donné des résultats divergents sur leur capacité à réduire le risque vasculaire que ce soit seuls ou plus récemment en association avec les statines.


Cependant, il est apparu ces dernières années que, malgré une réduction majeure du taux de LDL grâce aux statines (parfois en dessous de 0,70 g/l) il persistait un risque vasculaire résiduel important et que des traitements associés aux statines agissant sur d'autres paramètres du profil lipidique pourraient avoir leur place dans la prise en charge des sujets à risque.


C'est pour tenter de mieux préciser le rôle que pourraient avoir les fibrates dans ce cadre qu'une équipe australienne a conduit une vaste méta-analyse sur leurs effets sur le risque vasculaire, seuls ou en association aux statines.




Des études inhomogènes sur 45 000 patients

Le travail a été particulièrement délicat en raison de l'inhomogénéité des essais randomisés conduits avec les différents fibrates depuis 1971 et notamment des critères de sélection des patients et de jugement très variables adoptés dans ces études.


Néanmoins, Min Jun et coll. ont estimé, après avoir retenu pour cette méta-analyse 18 essais ayant regroupé environ 45 000 patients, qu'il était possible de tirer quelques conclusions signifiantes de leur travail.

- Si aucun essai individuel n'a donné des résultats significatifs sur le risque d'événements cardiovasculaires, les données groupées des 5 études ayant mesuré leurs fréquences mettent en évidence une réduction du risque relatif de 10 % au terme de la durée des essais (avec un intervalle de confiance à 95 % entre 0 et – 18 %; p=0,48).

- Sur le risque d’événements coronariens, les données sont plus probantes avec sur les 16 essais ayant évalué leurs fréquences une réduction de 13 % du risque relatif (avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre - 7 et – 19 %; p<0,0001).

- Au plan rénal si le risque de progression de l’albuminurie a été réduit de 14 % dans les essais où il a été évalué (p=0,028), une élévation de la créatinine plasmatique a été constatée près de deux fois plus souvent chez les sujets sous fibrates (risque relatif + 99 % ; IC 95 entre + 46 et + 170 % ; p<0,0001).

- Ni la fréquence des accidents vasculaires cérébraux, ni la mortalité (toutes causes confondues, cardiovasculaire ou subite) ne sont influencées significativement par la prescription de fibrates.




Une place à redéfinir

Compte tenu de la modestie de ces effets globaux et des difficultés méthodologiques d’une telle méta-analyse, les conclusions des auteurs sont très prudentes. Ils estiment schématiquement que les fibrates peuvent avoir aujourd’hui leur place dans la réduction du risque coronarien (le plus souvent en association avec des statines comme dans l’étude ACCORD) chez des sujets à haut risque, de préférence s’ils ont des taux de triglycérides élevés et (dans une moindre mesure) un HDL bas.


Il faut par ailleurs rappeler ici que l’on ne dispose pour l’instant d’aucune étude permettant de comparer, dans ce type d’indication les avantages respectifs des fibrates et des autres produits qui, comme la niacine, ont des effets proches sur le profil lipidique.


Dr Céline Dupin, JIM

Jun M et coll.: Effects of fibrates on cardiovascular outcomes : a systematic review and meta-analysis. Lancet 2010; publication avancée en ligne le 11 mai 2010 (DOI:10.1016/S0140-6736(10)60656-3).