Les infections sans doute plus graves chez les obèses
Publié par La Pharmacienne le Juillet 14 2010 11:59:03
Ce sont trois études publiées l’année dernière dans deux revues de référence (le New England Journal of Medicine et le Jama) qui l’affirmaient : mieux vaut ne pas être gros pour ne pas faire de grippe H1N1 grave, et même pour en mourir moins. L’obésité serait une comorbidité plus fréquemment retrouvée en cas d’hospitalisation, d’admission en service de réanimation et même de décès. Des données troublantes car, jusqu’à récemment, le surpoids n’était que rarement cité dans les facteurs pronostiques principaux de la grippe, même si on soupçonnait depuis longtemps que, étant lui-même lié à un large panel d’affections respiratoires comme l’asthme, les bronchopneumopathies chroniques obstructives, les apnées du sommeil et autres maladies emboliques, il pourrait par plusieurs biais bouleverser le devenir d’une infection locale…


Il semble bien, en réalité, que les données s’accumulent pour accorder à l’obésité un rôle important dans l’évolution d’une maladie infectieuse. Plusieurs études de cohorte avaient déjà suggéré que le surpoids influait sur le pronostic d’une infection bactérienne systémique, voire qu’il pouvait jouer un rôle néfaste dans l’évolution d’une infection virale chronique comme l’hépatite C. Des mécanismes ont été évoqués et la piste immunologique semble la plus prometteuse : chez l’animal, plusieurs essais ont montré que l’obésité nuit à l’immunité, en entravant le fonctionnement des cellules dendritiques ou en gênant le recrutement des monocytes vers les tissus infectés. On est cependant loin d’avoir tout compris et, chez l’homme, des éléments apparemment aussi basiques que les relations entre indice de masse corporelle et réponse immunitaire à tel ou tel agent pathogène ne sont pas encore clairement établies. Une absence de données d’autant plus dommageable que la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des médicaments, très modifiées chez les plus gros, compliquent la prescription des anti-infectieux et ajoutent un nouveau facteur d’incertitude.


Nul doute que, vu le poids de l’obésité pour nos sociétés actuelles, de nombreuses études prospectives seront bientôt menées dans le monde entier. Il faudra cependant avant tout, comme le suggèrent fortement R Huttunen et al., modifier nos habitudes médicales pour mieux prendre en compte plusieurs données d’observation et d’interrogatoire. Deux exemples : celui de la Finlande, où les indices de masse corporelle ne sont pas notifiés en routine dans les dossiers médicaux des patients hospitalisés, et celui des études américaines sur la grippe où cette même donnée n’apparaît pas systématiquement dans plusieurs analyses de référence. Peut-on réellement, dans ces conditions, faire confiance aux études rétrospectives actuelles? Le challenge le plus important est aujourd’hui d’établir si l’obésité prédispose aux infections, à un mauvais pronostic ou aux deux.


Dr Jack Breuil, JIM

Huttunen R et coll. : Obesity and the outcome of infection. Lancet Infectious Diseases, 2010; 10: 442-3.