Les fumeurs plus nombreux aujourd'hui qu'il y a 5 ans
Publié par Administrateur le Octobre 21 2010 09:27:34
La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a annoncé hier de «mauvais chiffres» sur la consommation de tabac, précisant qu'elle avait «augmenté de 2 points» entre 2005 et 2010, selon le baromètre santé de l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes).

L'ombre du cancer du poumon planant sur tout fumeur, l'augmentation du prix du paquet, l'interdiction de fumer dans les lieux publics n'y font rien : les Français fumeurs demeurent accros à la cigarette et sont même plus nombreux qu'il y a cinq ans. Roselyne Bachelot, notre ministre de la Santé, l'a publiquement reconnu hier. Selon le baromètre santé de l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), la consommation de tabac, a « augmenté de 2 points » en France entre 2005 et 2010, 1,8 % précisément. Chez les 15-75ans on est passé de 26,9 % de fumeurs à 28,7 %. Cette progression est essentiellement notée chez les femmes (de 23 à 25,7 %), alors que du côté des hommes on est proche de la stabilisation (31 à 31,8 %).

Pour la ministre cette augmentation de près de 2% est dû à deux facteurs: l'augmentation de la consommation féminine mais aussi « un effet crise ».

Une femme qui fume n'encourt plus comme autrefois l'opprobre social. Très souvent, elle apprécie la cigarette pour des raisons semblables à celles des hommes, la dépendance, le désir de faire comme les autres, l'amélioration de l'estime de soi et la recherche de la détente, pour contrôler son poids, un point qui compte beaucoup pour certaines adolescentes.

Les crises, et notamment la crise économique, avec le stress qu'elles engendrent, incitent ceux qui la subissent à griller des cigarettes. « Pratiquement 50 % des chômeurs sont fumeurs et à l'évidence la crise, l'augmentation du chômage, ont eu un effet sur l'augmentation de la consommation du tabac », a expliqué hier Roselyne Bachelot qui a dit vouloir se rapprocher de pôle Emploi pour qu'une action spécifique soit menée auprès des chômeurs. Le niveau de diplôme entre aussi en ligne de compte : on recense 32,8 % de fumeurs chez les personnes non diplômées, contre 18,5 % à partir de bac plus cinq.

« La crise joue un rôle », a reconnu le président de l'Office français de prévention du Tabagisme. « Mais j'observe que tous les pays européens qui sont en crise comme la France diminuent leur consommation de tabac ». Il plaide pour une politique de santé publique plus volontariste.

« La crise est un exutoire »
Gérard Dubois, professeur de santé publique, président de l'Alliance contre le tabac.

Partagez-vous le diagnostic de Roselyne Bachelot ?

Pas du tout. Les chiffres donnés hier sont ceux qui ont été constatés en 2009. Il y avait déjà une augmentation de 2 % des fumeurs. La cause en est l'absence d'une lutte vraiment dissuasive. Quand, en 2003-2004, il y a eu une véritable augmentation (+ 10 %) sur les taxes on a enregistré une forte baisse de la consommation, en particulier chez les femmes et chez les jeunes, ces derniers n'ayant plus les moyens d'acheter leurs cigarettes. Mais en 2005, M. Raffarin, alors Premier ministre, a signé un «armistice » avec les fabricants de cigarettes. Il s'est engagé à ce que pendant quatre ans il n'y ait pas d'augmentation des taxes. Aussi, les augmentations de 2007 et 2009 ont-elles été légères, destinées aux cigarettiers et inférieures à l'inflation, ce qui a rendu les hausses supportables. Il y a eu collusion entre l'état et les fabricants.

L'augmentation de 6 % prévue pour le 8 novembre vous paraît donc insuffisante ?

Tout à fait. Jamais deux sans trois. Cette augmentation comme les deux précédentes va aller dans la poche des fabricants.Il faut augmenter les taxes de 10 % pour le plus grand bénéfice de l'état et de la Sécurité sociale. La TVA va à l'état mais le produit des autres taxes, (80 % du prix du paquet) va à la Sécurité sociale. Tout le monde serait gagnant et il y aurait moins de fumeurs.

Mais la crise ne conduit-elle pas les chômeurs à fumer ?

La crise est un exutoire. On donne de fausses bonnes raisons. Elle peut conduire d'anciens fumeurs à recommencer. Mais souvent fumer s'ajoute à d'autres addictions. Le tabac est une maladie.