Comment les omégas 3 influent sur notre humeur
Publié par La Pharmacienne le Février 21 2011 20:19:33
Ces acides gras, présents notamment dans le poisson, auraient un effet antidépresseur. Les omégas 3 font partie des acides gras essentiels que le corps ne sait pas synthétiser. Or notre alimentation industrielle en apporte de moins en moins. Ces acides gras très à la mode depuis quelques années, que l'on trouve préférentiellement dans le poisson, auraient des effets bénéfiques sur le cœur. Certains médecins ont également émis l'idée qu'ils influeraient sur la sphère cérébrale, avec des effets favorables sur la dépression. ...
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Ces acides gras, présents notamment dans le poisson, auraient un effet antidépresseur.


Les omégas 3 font partie des acides gras essentiels que le corps ne sait pas synthétiser. Or notre alimentation industrielle en apporte de moins en moins. Ces acides gras très à la mode depuis quelques années, que l'on trouve préférentiellement dans le poisson, auraient des effets bénéfiques sur le cœur. Certains médecins ont également émis l'idée qu'ils influeraient sur la sphère cérébrale, avec des effets favorables sur la dépression. De nombreuses publications récentes explorent cette hypothèse. En particulier, un travail expérimental de l'Inserm, publié la semaine dernière, démontre sur des souris un effet défavorable d'une carence en omégas 3 sur l'humeur.


Le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et auteur de plusieurs livres sur la dépression, explique que «sur le plan épidémiologique, on sait déjà depuis longtemps que les peuples de pêcheurs - qui mangent beaucoup de poisson - font moins de dépressions que les peuples de chasseurs». De quoi conforter le tout récent travail espagnol - réalisé chez 12.000 volontaires suivis pendant six ans - qui vient de montrer que par rapport à une alimentation saine et traditionnelle, la «malbouffe» augmentait de 50% le risque de dépression. «Pour autant, la dépression est multifactorielle, et bien d'autres éléments peuvent encore entrer en compte. En effet, qui sait si le simple fait de faire attention à ce que l'on mange, de prendre soin de soi, n'est pas aussi une bonne manière de nous protéger de la dépression?», insiste le Dr Lemoine.


Le Pr Serge Hercberg, nutritionniste qui coordonne la grande enquête Nutrinet à laquelle tout internaute est invité à participer, estime aussi que le sujet mérite d'être creusé: «Les régimes déficitaires en omégas 3 étaient déjà pressentis comme pouvant faire le lit du déclin cognitif, des maladies cardio-vasculaires et de certains cancers. Cette nouvelle hypothèse est donc tout à fait intéressante. Mais il ne s'agit que d'une piste de travail, qui ne peut pas se traduire par des applications pratiques immédiates. Et, d'ailleurs, un certain nombre d'études de supplémentation en omégas 3 qui ont été réalisées en cardiologie n'ont pas permis de retrouver un quelconque bénéfice, preuve que nous ne maîtrisons pas tout. C'est pourquoi, ajoute le Pr Serge Hercberg, le bon sens doit l'emporter et il vaut mieux miser sur une alimentation saine qui apporte suffisamment d'omégas 3 - avec un régime de type méditerranéen - que de compter sur une “pilule miracle” dont on ne connaît pas les effets à long terme.»


Dans ce contexte, les chercheurs de l'Inserm* ont souhaité connaître l'impact d'une carence expérimentale en omégas 3 au niveau cérébral. Pour cela, des souris ont été soumises à un régime pauvre en omégas 3 durant leur gestation et l'allaitement. Leurs souriceaux ont poursuivi ce régime jusqu'à l'âge adulte, avant de passer différents tests - attitude en présence d'un nouveau congénère, dans un environnement inconnu et dans un bain d'eau - pour permettre aux chercheurs de vérifier leur degré d'inhibition (plus des souris sont anxieuses et moins elles ont un comportement exploratoire).



«Faire sa propre cuisine»

«Avec cette étude, nous avons montré qu'un régime déficitaire en omégas 3 pouvait jouer sur l'humeur, remarque Olivier Manzoni, directeur de recherche Inserm. Mais pour apporter la preuve que c'est bien cette carence en omégas 3 qui est en cause, il nous faut maintenant vérifier ce qu'il advient de ces souris si elles retrouvent une alimentation équilibrée. Et s'il existe des périodes au cours de leur développement où les effets d'un régime enrichi en omégas 3 se font mieux sentir. Nous n'en sommes donc qu'à une première étape de nos recherches.»


En attendant la poursuite de son étude, Olivier Manzoni met en garde contre une «récupération» par les industriels de ces résultats: «Notre étude ne dit pas qu'il faut se gaver d'omégas 3 dans l'espoir d'échapper à la dépression! Elle ne dit pas non plus qu'un régime enrichi en omégas 3 est susceptible de traiter une dépression. Elle dit simplement qu'un régime déséquilibré peut faire le lit de la dépression. En l'état actuel des connaissances, c'est donc surtout une incitation à manger plus sainement.» Un mode de vie qu'Olivier Manzoni met un point d'honneur à s'appliquer à lui-même…


N'en déplaise aux amateurs de nouvelles sensationnelles, ces différentes études aboutissent donc au même constat: «Faire sa propre cuisine, en choisissant des aliments sains, dont le poisson au moins deux fois par semaine, c'est encore la meilleure arme alimentaire “antidépression”. De plus, elle est à la portée de tous», concluent Olivier Manzoni, le Pr Serge Hercberg et le Dr Patrick Lemoine.


* Équipe de l'Inserm (unité 901, Institut de neurobiologie de la Méditerranée Marseille) et de l'Inra (unité 1286 Nutrition et neurobiologie intégrative, Bordeaux).


Le Figaro