Femmes enceintes : des études et un suivi des médicaments indispensables
Publié par MedeSpaceNews le Juillet 25 2011 21:34:49
Avec le drame du Distilbène, la revue "Prescrire" dénonce des décennies de failles de la pharmacovigilance lors de la grossesse. Trente ans après l'arrêt de son emploi chez les femmes enceintes, le Distilbène continue à provoquer des effets indésirables graves. Dans son numéro de juillet, la revue médicale indépendante Prescrire revient sur ce médicament - le diéthylstilbestrol (ou DES) - qui a été utilisé des années 1950 à la fin des années 1970 dans le but de prévenir des avortements spontanés. Son inefficacité dans cette indication a été montrée dès 1953. À partir de 1971, le lien était établi entre le DES et un risque augmenté de cancer du vagin chez les femmes dont les mères avaient pris du DES pendant la grossesse. Pourtant, le DES a été prescrit à des femmes enceintes jusqu'en 1981 en France, où 160 000 personnes auraient été exposées in utero.

Malheureusement, la terrible histoire du Distilbène ne s'arrête pas avec l'arrêt de la commercialisation de ce produit. Ni même avec les "filles et fils DES" qui, en plus des effets indésirables sur l'appareil génital, semblent avoir un risque accru de souffrir de troubles psychiques, notamment d'épisodes dépressifs majeurs et de troubles du comportement alimentaire. Car, désormais, des effets indésirables psychiques semblent imputables à ce médicament chez les "descendants DES". La troisième génération serait donc à son tour concernée : après les femmes, leurs enfants, voici maintenant leurs petits-enfants qui subissent les contrecoups indirects de ce traitement.

Donneuse d'alerte

"Le désastre du DES met en relief l'ensemble des responsabilités : firmes, agences du médicament, soignants", souligne la revue dans son éditorial. "Cela fait mal de voir que l'on assiste seulement en 2011 à un début de prise de conscience, sans doute liée à l'affaire Mediator, alors que tout a commencé en 1950 !" regrette Bruno Toussaint, directeur de Prescrire. Et encore, il ne s'agit que d'un frémissement... Globalement, les notices des médicaments soulignent qu'il y a peu de données chez la femme. "C'est du style : comme il n'y a pas eu de problèmes chez l'animal, tout devrait bien se passer, résume Bruno Toussaint. En pratique, tant qu'on ne cherche rien, on a peu de chances de trouver."

Si la pharmacovigilance en général est défaillante, notamment en France mais aussi partout dans le monde, celle concernant la femme enceinte est son parent pauvre. "Cela demande beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie de mener de telles études, admet Bruno Toussaint. Cela implique de suivre les descendants pendant des décennies pour identifier d'éventuels problèmes qui ne sont pas visibles à la naissance, ce qui n'est guère motivant pour les chercheurs." Et pourtant, le drame du Distilbène montre bien la nécessité de réaliser de tels travaux.

Quant à l'équipe de Prescrire, qui dispose d'un groupe de travail permanent sur les effets indésirables des médicaments donnés pendant la grossesse, elle est bien décidée à médiatiser tout nouveau résultat scientifique dans ce domaine. Et, déjà, elle s'intéresse de près à une étude concernant les effets de la prise de certains antibiotiques courants pour lutter contre la menace d'accouchement prématuré. "Il semblerait que les enfants de ces femmes aient des performances psychométriques moindres vers l'âge de 6 ou 7 ans", constate Bruno Toussaint. "Car ces antibiotiques pénétreraient dans leur cerveau." Une affaire à suivre, donc, et qui, grâce à cette revue "donneuse d'alerte" désormais très écoutée, ne restera pas longtemps ignorée.

Source:lepoint.fr