Rhumatismes : la goutte revient en force
Publié par MedeSpaceNews le Août 11 2011 21:53:49
Les régimes alimentaires actuels et l'allongement de la durée de vie expliquent sa réapparition.

C'est une nouvelle épidémie qui frappe les pays industrialisés, ou plutôt c'est le retour en force d'une vieille maladie que l'on croyait disparue: la goutte. Aux États-Unis, plus de huit millions d'adultes seraient concernés, soit près de deux fois plus qu'il y a vingt ans, selon une vaste étude qui vient d'être publiée dans la revue Arthritis and Rheumatism. Et la fréquence de ce rhumatisme inflammatoire grimpe en flèche dans bien d'autres pays, rançon de l'évolution des régimes alimentaires et du mode de vie, mais aussi de l'augmentation de la longévité ces dernières décennies.

Connue depuis près de 5.000 ans, la goutte a longtemps été baptisée la maladie des riches, voire même des rois du fait de sa survenue chez les «bons vivants». Charles Quint et Henri VIII font partie des illustres victimes de ces crises, décrites comme horriblement douloureuses. Après s'être fait presque oublier au XXe siècle, la goutte est devenue le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent, donnant un nouvel élan à la recherche fondamentale et pharmaceutique.

L'étude menée par Hyon Choi (université de Boston) et ses collègues a été sponsorisée par les laboratoires Takeda, qui distribuent un antigoutteux, le febuxostat, sur le continent nord-américain. Ce produit, arrivé il y a plus d'un an en France via un autre laboratoire, est le premier médicament mis sur le marché depuis plus de 40 ans dans ce domaine.
Les hommes plus concernés

Les auteurs de l'étude ont étudié la fréquence de la goutte et de l'hyperuricémie (excès d'acide urique dans le sang qui prédispose à cette maladie) dans une cohorte de 5.707 Américains adultes, constituée en 2007-2008. Dans cet échantillon représentatif, la fréquence de la goutte s'est élevée à 3,9%, soit, rapporté à la population américaine, 8,3 millions d'individus. Et un taux excessif d'acide urique a été constaté chez plus d'un Américain sur cinq.

Les hommes sont de loin les premiers concernés: des antécédents goutteux sont retrouvés à l'interrogatoire chez 5.9% d'entre eux, alors que les femmes sont relativement épargnées (2%). L'âge est un autre facteur de risque majeur: rare avant 30 ans, la maladie est de plus en plus fréquente en avançant dans la vie, avec un taux record (12,6%) au-delà de 80 ans. Dans la cohorte précédente, portant sur la période 1988-1994, la fréquence de la goutte n'était que de 2,7%, taux qui avait déjà doublé depuis les années 1960, précisent les auteurs.

Angleterre, Chine, Afrique subsaharienne… Tous les pays qui ont mené des études épidémiologiques sur le sujet observent cette tendance. Le record mondial en la matière serait détenu par la Nouvelle-Zélande: quasi inconnue il y a cinquante ans, la goutte atteint désormais 15% des hommes maoris. Dans cette minorité ethnique, l'explosion épidémique serait la résultante d'une particularité génétique combinée à l'occidentalisation du régime alimentaire. Celui-ci joue en effet un rôle central. Une alimentation riche en viandes, fruits de mer, bières et autres spiritueux, sodas riches en fructose, favorise l'élévation de l'acide urique dans le sang. À terme, celle-ci conduit à des dépôts de cristaux d'urate de sodium dans les articulations. C'est quand ils se rompent et libèrent leurs cristaux dans une cavité articulaire que surviennent les crises douloureuses.

De survenue brutale, le plus souvent au niveau du gros orteil, elles régressent spontanément en quelques jours. Mais la goutte n'est pas pour autant une maladie bénigne. Négligée, elle peut conduire à des complications articulaires et rénales. Sans compter ses liaisons dangereuses avec l'obésité et les maladies cardio-vasculaires. L'objectif de la prise en charge, qui repose sur un régime et des médicaments, est de ramener le taux d'acide urique sous la barre des 60 mg/l. Mais un patient sur deux arrête son traitement en moins d'un an.

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