Polyarthrite rhumatoïde : le renouveau thérapeutique
Publié par hammar le Juin 29 2013 18:21:45
Cette maladie très douloureuse, aux causes encore mystérieuses, se soigne d'autant mieux que le diagnostic est précoce.

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Cette maladie très douloureuse, aux causes encore mystérieuses, se soigne d'autant mieux que le diagnostic est précoce.

«Avec un traitement de fond mis en place dans les trois mois qui suivent le début des signes, on peut désormais obtenir une rémission de la polyarthrite rhumato ïde», rappelle le Pr François Rannou, responsable du service de rééducation à l'Institut de rhumatologie de l'hôpital Cochin à Paris. Comme pour d'autres maladies inflammatoires chroniques, l'arrivée des biothérapies a en effet totalement changé la donne pour une majorité de patients.

Cette maladie rhumatismale concerne 300.000 personnes en France et apparaît en général entre 40 et 60 ans, avec une forme juvénile qui touche 3000 enfants. La polyarthrite rhumatoïde se caractérise par une inflammation de la membrane synoviale des articulations des membres qui peut conduire, plus ou moins rapidement, à la dégradation de l'os et du cartilage.

La polyarthrite rhumatoïde provoque des douleurs et des gonflements principalement au niveau des articulations des mains et des poignets, de manière symétrique. Ces douleurs sont particulièrement fortes la nuit et, au matin, il faut au moins une demi-heure pour «dérouiller» les articulations touchées. Dès que ces signes apparaissent, il faut consulter le plus rapidement possible son généraliste afin d'établir, en collaboration avec un spécialiste, la meilleure stratégie d'intervention. Le diagnostic repose sur l'examen clinique des articulations et sur des analyses biologiques. Des examens radiologiques peuvent également être effectués pour repérer des érosions osseuses.
Facteur déclenchant

La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire réagit contre certaines protéines modifiées dans l'organisme. «Ces modifications sont naturelles, elles se produisent plus fréquemment dans certains organes comme le poumon, mais, dans certains cas qu'on ne comprend toujours pas, le système immunitaire déclenche une réaction contre ces molécules », précise le Pr Rannou. Le facteur déclenchant n'est donc toujours pas élucidé, mais certains gènes de prédisposition semblent impliqués dans 30% des cas.

Par ailleurs, comme trois cas sur quatre sont féminins autour de la quarantaine, et donc autour de la ménopause, les hormones pourraient jouer un rôle. Des facteurs environnementaux ont également été identifiés, et notamment le tabac, qui joue un rôle majeur. Une étude récente a ainsi démontré que, chez des patients ayant un profil génétique légèrement favorable à la polyarthrite rhumatoïde, ceux qui s'empêchent de fumer ont un risque diminué par deux de voir la maladie se développer.

«On sait également que le tabac ­aggrave la maladie, que son développement est alors plus rapide et son traitement plus difficile », souligne le Pr Marie-Christophe Boissier, responsable du service de rhumatologie de l'hôpital Avicenne, à Bobigny. Dans 20 à 30% des cas, un choc psychologique (deuil, rupture…) est également à l'origine du déclenchement de la maladie.

La polyarthrite rhumatoïde ne se manifeste pas de la même façon chez tous les patients et son évolution est très variable d'un profil à l'autre. Le traitement comporte deux axes: des antalgiques, en général des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour lutter contre la douleur, associés à des infiltrations et parfois des corticoïdes à faible dose pour la phase aiguë. En parallèle, un traitement de fond est par ailleurs désormais systématiquement mis en place pour interrompre le processus inflammatoire, une stratégie d'autant plus efficace qu'elle est enclenchée tôt.
Bloquer l'inflammation

Lorsque la maladie est identifiée tôt, le médecin prescrit ainsi du méthotrexate, qui reste le médicament de référence pour bloquer l'inflammation. Si la maladie est déjà avancée ou que, après trois mois, le traitement est insuffisant, le médecin peut puiser dans le nouvel arsenal des biothérapies pour trouver, parmi les quatre molécules - bientôt cinq - désormais disponibles, celle à laquelle le patient répondra le mieux.

«Les patients ne répondent pas tous de la même façon aux traitements, il serait intéressant d'identifier des marqueurs biologiques permettant de prédire si un malade va répondre mieux à tel ou tel traitement », indique le Pr Boissier. Si le traitement est engagé rapidement et s'il est efficace, la maladie peut alors être complètement enrayée, sans conséquences pour le patient.

La polyarthrite rhumatoïde demeure cependant une maladie chronique, et les personnes atteintes doivent rester continuellement vigilantes: elle reprend dès l'interruption du traitement.

Une des pistes les plus avancées est un vaccin

La polyarthrite rhumatoïde comporte plusieurs composantes, immunitaires et inflammatoires, sur lesquelles se concentrent les efforts de recherche, à la fois pour comprendre les mécanismes de la maladie, les facteurs qui la déclenchent et identifier de nouvelles pistes thérapeutiques. La composante acquise de la polyarthrite rhumatoïde correspond au déclenchement d'une réponse auto-immunitaire dirigée contre la membrane synoviale de certaines articulations. L'antigène responsable de cette réaction n'est pas encore identifié, même si certains travaux semblent indiquer une piste infectieuse.

Le Pr François Rannou s'intéresse plus particulièrement à la phase aiguë de l'inflammation, qui correspond à l'envahissement de l'articulation par des cellules inflammatoires. «La meil­leure stratégie consiste à éviter cette phase, grâce aux traitements de fond mais, face aux crises aiguës, on ne dispose aujourd'hui que des corticoïdes, qui présentent de nombreux inconvénients.» L'équipe Inserm dans laquelle il travaille, basée à l'hôpital Cochin à Paris, explore ainsi le rôle de l'hème oxygénase-1, qui semble avoir un intérêt dans la résolution de la phase inflammatoire et étudie également la régulation de la mort programmée des polynucléaires, qui se rassemblent dans l'articulation et libèrent des substances favorables à sa destruction.

D'autres stratégies visent plus particulièrement la composante immunitaire de la maladie et les cellules qui y prennent part. L'équipe dirigée par Christian Jorgensen, à Montpellier, étudie l'intérêt d'une thérapie cellulaire à partir de cellules souches mésenchymateuses, qui sont à l'origine de l'os et du cartilage et qui jouent également un rôle dans la régulation de l'immunité. Plusieurs équipes évaluent également l'intérêt d'injecter, dans l'articulation, des lymphocytes T dits «régulateurs» qui limitent l'inflammation.

Les toutes premières biothérapies ayant été développées sont des anticorps anti-TNF alpha. L'une des pistes d'avenir les plus avancées est un vaccin thérapeutique dont l'objectif serait de provoquer la production de ces anticorps par l'organisme lui-même. Même si les injections doivent être répétées régulièrement, les chercheurs espèrent que la réponse immunitaire serait mieux régulée de cette façon. La fondation Arthritis, présente aux côtés de nombreux projets de recherche sur la polyarthrite rhumatoïde, soutient ainsi un essai multicentrique mondial de phase II, utilisant un candidat-vaccin de la société Néovacs. Les premiers résultats sont attendus d'ici à la fin de l'année.

En attendant l'arrivée de ces thérapies innovantes, une nouvelle molécule devrait s'ajouter très bientôt aux biothérapies existantes: le tofacitinib, qui inhibe certains médiateurs intracellulaires de l'inflammation.