Médicaments de qualité inférieure et contrefaits : un problème mondial de santé qui tue
Publié par Administrateur le Juin 19 2008 23:51:41
La Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis, l’agence de contrôle des médicaments la plus rigoureuse et la plus exigeante dans le monde, estime que les contrefaçons représentent plus de 10 % du marché mondial des médicaments et que le phénomène touche à la fois les pays industrialisés et les pays en développement.
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La Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis, l’agence de contrôle des médicaments la plus rigoureuse et la plus exigeante dans le monde, estime que les contrefaçons représentent plus de 10 % du marché mondial des médicaments et que le phénomène touche à la fois les pays industrialisés et les pays en développement.

On estime que jusqu’à 25 % des médicaments consommés dans les pays pauvres sont des contrefaçons ou des produits de qualité inférieure. Pour débattre de cette grande problématique, la conférence annuelle de l’European Federarion of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA), organise leur conférence annuelle, le 19 juin 2008 à Paris, en marge de laquelle se tient une importante session d’information sur les médicaments contrefais. Ces deux rencontres mondiales sur l’industrie pharmaceutiques, seront animées respectivement par Arthur J. Higgins, président de l’EFPIA, directeur général de Bayer HealthCare et Jean-François Dehecq, vice-président de l’EFPIA et président des laboratoires sanofi-aventis.

Qu’entend-on par médicaments de qualité inférieure et contrefaits ?

Les médicaments de qualité inférieure sont des produits dont la composition et les principes ne répondent pas aux normes scientifiques et qui sont, par conséquent, inefficaces et souvent dangereux pour le patient. La qualité inférieure peut être le résultat d’une négligence, d’une erreur humaine, de ressources humaines et financières insuffisantes ou d’une contrefaçon. Le problème des médicaments contrefaits s’inscrit dans le cadre plus large des produits pharmaceutiques de qualité inférieure.

La différence tient à ce qu’ils soient étiquetés frauduleusement de manière délibérée pour en dissumuler la nature et/ou la source. La contrefaçon peut concerner aussi bien des produits de marque que des produits génériques, et les médicaments contrefaits peuvent comprendre des produits qui contiennent les principes actifs authentiques mais un emballage imité, ou d’autres principes actifs, aucun principe actif ou des principes actifs en quantité insuffisante. Dans les pays plus riches, la contrefaçon concerne le plus souvent des médicaments coûteux tels que les hormones, les corticoïdes et les antihistaminiques. Dans les pays en développement, les médicaments qui font le plus souvent l’objet de contrefaçons sont ceux qu’on utilise contre des affections potentiellement mortelles comme le paludisme, la tuberculose et le VIH/SIDA.

L’étendue du problème

La Food and Drug Administration des Etats-Unis estime que les contrefaçons représentent plus de 10 % du marché mondial des médicaments et que le phénomène touche à la fois les pays industrialisés et les pays en développement. On estime que jusqu’à 25 % des médicaments consommés dans les pays pauvres sont des contrefaçons ou des produits de qualité inférieure. Les recettes mondiales de la vente des médicaments contrefaits et de qualité inférieure atteignent plus de US $32 milliards par an. Le commerce de ces médicaments affecte davantage les pays où le contrôle et l’application de la réglementation pharmaceutique sont moins stricts, où l’approvisionnement en médicaments de base est insuffisant et/ou irrégulier, où les marchés ne sont pas réglementés et les prix ne sont pas abordables.

Toutefois, l’un des produits le plus contrefait aujourd’hui est le Viagra, qui est largement vendu par l’Internet dans les pays industrialisés. Il ressort d’une enquête effectuée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur les rapports de 20 pays concernant les médicaments contrefaits, de janvier 1999 à octobre 2000, que 60 % des cas de contrefaçon concernent les pays pauvres et 40 % les pays industrialisés. En avril 1999, 771 cas de médicaments de qualité inférieure avaient été répertoriés dans la base de données de l’OMS sur les contrefaçons, dont 77 % concernaient des pays en développement. L’analyse des données a montré que, dans 60 % des 325 cas, un principe actif faisait défaut. Il ressort d’une récente étude parue dans The Lancet que jusqu’à 40 % des produits supposés contenir de l’artésunate (le meilleur médicament disponible aujourd’hui contre le paludisme chimiorésistant) ne contenaient pas en fait de principe actif et n’avaient aucun effet thérapeutique.

En 2002, GlaxoSmithKline a découvert aux Etats-Unis des flacons suspects supposés contenir 60 comprimés de Combivir (lamivudine plus zidovudine) et qui contenaient en fait un autre médicament, le Ziagen (abacavir). La société a pu déterminer que des étiquettes contrefaites de comprimés de Combivir ont été placées sur deux flacons de Ziagen, les étiquettes sur deux autres flacons étant suspectes. Les deux médicaments sont utilisés dans le cadre d’associations médicamenteuses contre l’infection à VIH et peuvent provoquer des réactions d’hypersensibilité potentiellement mortelles chez des patients qui prennent d’autres médicaments.

Conséquences des médicaments de qualité inférieure et contrefaits Au mieux, l’utilisation régulière de médicaments de qualité inférieure ou contrefaits entraîne un échec thérapeutique ou favorise l’apparition d’une résistance ; mais, dans bien des cas, elle peut être mortelle. Au cours de l’épidémie de méningite au Niger en 1995, plus de 50 000 personnes ont reçu des faux vaccins provenant d’un don d’un autre pays qui les croyait sûrs. Cette contrefaçon a été à l’origine de 2500 décès. La consommation de sirop contre la toux contenant du paracétamol préparé avec du diéthylène glycol (un produit chimique toxique utilisé comme antigel) a provoqué 89 décès en Haïti en 1995 et 30 décès de nourrissons en Inde en 1998. Sur le million de décès annuels par paludisme, 200 000 pourraient être évités si les médicaments disponibles étaient efficaces, de bonne qualité et correctement utilisés. Une étude effectuée en Asie du Sud-Est en 2001 a révélé que 38 % des 104 antipaludéens en vente en pharmacie ne contenaient aucun principe actif et avaient provoqué des décès évitables.

En 1999, au moins 30 personnes sont mortes au Cambodge après avoir absorbé des antipaludéens contrefaits contenant de la sulfadoxine-pyriméthamine (un ancien paludéen moins efficace) et vendus sous le nom d’artésunate.

Défis à relever

En raison d’une réglementation et d’une application insuffisantes, la qualité, l’innocuité et l’efficacité des médicaments importés et des médicaments fabriqués sur place dans de nombreux pays en développement ne peuvent être garanties. La contrebande et l’importation illégale sont monnaie courante. Les produits de qualité inférieure ou contrefaits sont alors non seulement vendus dans ces pays, mais également exportés ou réexportés.

La situation est aggravée par le fait que les médicaments exportés par de nombreux pays industrialisés ne sont pas réglementés dans la même mesure que les produits consommés sur le marché intérieur, alors que l’exportation des produits pharmaceutiques vers les pays en développement par le biais de zones de libre échange progresse. On assiste également à un réétiquetage de certains produits pour dissimuler les données concernant leur origine.

Certains responsables politiques estiment aujourd’hui que la réglementation pharmaceutique constitue un obstacle inutile aux échanges et devrait être limitée dans la mesure du possible. Or, les médicaments ne sont pas des produits comme les autres car le consommateur, comme le prescripteur, n’est pas en mesure d’en évaluer la qualité, l’innocuité et l’efficacité, et leur absorption peut nuire à la santé des patients. Les échanges nationaux et internationaux croissants de produits de la médecine alternative, et notamment de phytothérapie, s’intensifient à la suite de l’accroissement rapide de la demande. Des quantités importantes de produits à base de plantes sont aujourd’hui importées par des pays d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie alors que leur utilisation et leur fabrication sont rarement réglementées, et leur innocuité et leur utilité thérapeutique pas toujours garanties.

Facteurs qui encouragent la contrefaçon

Les produits de contrefaçon ne sont pas nécessairement fabriqués dans de grands établissements. La majorité des contrefacteurs découverts jusqu’ici travaillent dans des habitations courantes ; la fabrication se fait de manière artisanale dans l’arrière-boutique ou à l’ombre d’un arbre. La contrefaçon pharmaceutique est une entreprise très lucrative en raison d’une forte demande et des coûts de production peu élevés. Faute d’une législation dissuasive dans de nombreux pays, les contrefacteurs ne craignent pas d’être arrêtés et poursuivis.

Lorsque le prix des médicaments est élevé et que des différences de prix entre des produits identiques existent, le consommateur a davantage tendance à chercher à s’approvisionner en dehors du système normal. La pauvreté est donc l’un des principaux déterminants de la production et de la consommation de produits de qualité inférieure.

Mesures nationales contre les produits de qualité inférieure et les médicaments contrefaits

C’est sur la législation que repose la réglementation pharmaceutique. Les médicaments doivent être sûrs, efficaces et de bonne qualité pour avoir l’effet souhaité. Il faut donc mettre sur pied des autorités nationales compétentes de réglementation pharmaceutique disposant de ressources humaines et autres suffisantes pour surveiller la fabrication, l’importation, la distribution et la vente des médicaments. Les gouvernements doivent mettre sur pied des stratégies de lutte contre la corruption et la criminalité et promouvoir la coopération intersectorielle entre les autorités de réglementation, la police, les douanes et le pouvoir judiciaire afin de bien surveiller le marché pharmaceutique et d’assurer l’application de la réglementation. La réduction des obstacles aux échanges entre les pays ayant conduit à une aggravation du problème, des efforts cohérents et systématiques s’imposent au niveau international. Il faut notamment assurer l’échange rapide de données appropriées et l’harmonisation des mesures pour éviter la propagation de ces pratiques.

Certains pays ont commencé à prendre des mesures sérieuses contre les médicaments contrefaits. Ainsi, l’an dernier en Chine, par exemple, l’administration pharmaceutique a ordonné la fermeture de 1300 installations illégales de fabrication et ouvert une enquête sur des cas de contrefaçon d’une valeur de US $57 millions.

Les mesures prises par l’OMS

L’OMS cherche à promouvoir la disponibilité de médicaments essentiels de bonne qualité et l’accès à ces produits à un prix abordable. Elle aide les pays à renforcer leur législation pharmaceutique, les bonnes pratiques de fabrication, la capacité de réglementation pharmaceutique nationale et l’efficacité afin de promouvoir l’échange de données entre les autorités de réglementation pharmaceutique et de renforcer les achats de médicaments.

Elle collabore également avec les pays pour veiller à ce que l’assurance de la qualité fasse partie intégrante de la chaîne de l’approvisionnement pharmaceutique.

Source : L'Opinion