Bientôt une réforme de la psychiatrie en France
Publié par hammar le Février 15 2009 20:06:32
Un rapport propose la création de groupements locaux de coopération qui réuniraient à la fois le secteur psychiatrique et le médico-social...

Nouvelles étendues

Un rapport propose la création de groupements locaux de coopération qui réuniraient à la fois le secteur psychiatrique et le médico-social, un modèle qui devrait inspirer la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.

La psychiatrie souffre en France. La fermeture des grands asiles dans les années 1970 afin que les malades soient pris en charge au plus près de leur domicile dans leur «secteur» n'a pas été suivie par la création de structures alternatives suffisantes. Aujourd'hui, quatre millions et demi de personnes sont suivies régulièrement pour une pathologie mentale dans notre pays. Les malades et leur famille se plaignent souvent d'une prise en charge insuffisante, ont parfois le sentiment d'être abandonnés par le corps médical, et déplorent les grandes difficultés pour trouver une place d'hospitalisation.

Pour répondre à ces doléances et aux difficultés de la psychiatrie en France, la ministre de la Santé a annoncé le 28 janvier dernier devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale qu'il y aurait une loi entièrement consacrée au sujet, et non des amendements à la loi «Hôpital, patients, santé et territoire» (HPST). Le projet de loi devrait être présenté ce printemps, a précisé Roselyne Bachelot. Il devrait comprendre deux chapitres : le premier concernera la réforme de l'hospitalisation d'office voulue par Nicolas Sarkozy, et l'autre l'organisation de la santé mentale et de la psychiatrie, directement inspiré du rapport Couty.

Fin janvier, Édouard Couty, conseiller maître à la Cour des comptes, a remis ce rapport «Missions et organisation de la santé mentale et de la psychiatrie», fruit d'un travail de concertation qui a duré plusieurs semaines entre les différents acteurs du secteur. Il fait 26 recommandations dans le but d'améliorer le système actuel. Un des points phares est la proposition de création de groupements locaux de coopération pour la santé mentale (GLC). Ces groupements réuniraient à la fois le secteur psychiatrique et le médico-social, pour faire face à la problématique globale de la maladie mentale qui frappe le patient, dans tous les aspects de sa vie, sociale, physique, mentale, professionnelle, familiale…

Critiques des psychiatres

Aujourd'hui, le psychiatre est seul face à la charge du soin mais aussi de la réinsertion ou encore du logement du malade. «Or, il ne peut pas tout faire, explique Édouard Couty. Il s'agit de plusieurs métiers. Pour être en relation avec l'Éducation nationale, par exemple, il est important de faire travailler ensemble plusieurs professionnels, assistante sociale, infirmières, éducateurs…» Le psychiatre gardera la charge du soin et ce sera toujours lui qui pourra prendre la décision d'une entrée ou d'une sortie de l'hôpital. «Mais en santé mentale, il n'y a pas que le soin, il y a aussi la prévention, la réinsertion et le suivi des patients», insiste Édouard Couty. Les GLC seront des structures de proximité, pas nécessairement situés dans l'hôpital mais un local alloué par la ville par exemple.

La Fédération nationale des associations d'usagers de la psychiatrie (Fnapsy) estime que le rapport «donne une place aux associations d'usagers, et c'est une bonne chose», relève sa présidente Claude Finkelstein. Cette dernière s'avoue «un peu déçue» que certaines de ses demandes n'aient pas été toutes retenues, comme le remboursement des consultations de psychologues. «Car le soin passe aussi par la parole, ce n'est pas qu'une affaire de médicaments», estime la Fnapsy. Plusieurs psychiatres émettent aussi un certain nombre de critiques : «Ce rapport n'est pas tendre vis-à-vis de nous», résume Jean-Pierre Capitain, président de l'association des psychiatres français. Cet avis est largement partagé par la profession qui critique le renforcement des associations et des familles de patients : «C'est un peu démagogue mais c'est un passage obligé aujourd'hui», analyse un praticien. Les médecins craignent par ailleurs que leur place et leur spécificité soit amoindrie, autrement dit de ne plus avoir la mainmise sur le secteur. «On risque une destruction du secteur de la psychiatrie, et une disparition de notre spécificité au bénéfice de la santé mentale», note Jean-Pierre Capitain. «Ce qui ressort en filigrane dans ce débat, soutient un autre psychiatre, c'est la volonté, de faire disparaître en France la psychiatrie libérale et ce, dans une logique de santé publique.»

Édouard Couty répond au Figaro que «les médecins contestent le fait que le secteur psychiatrique n'ait plus le monopole et c'est d'ailleurs ce que je propose !Il faut impliquer tous les acteurs car les médecins, le social, le sanitaire ne se parlent pas entre eux. Le monde de la psychiatrie est aujourd'hui beaucoup trop cloisonné.»

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