Ce mois-ci, Sciences et Avenir révèle les premiers résultats d'une étude française qui estime que la consommation chronique d'anxiolytiques et de somnifères augmente le risque d’entrée dans la maladie d'Alzheimer. Chaque année, en France, 16.000 à 31.000 cas d'Alzheimer seraient ainsi attribuables à ces traitements par benzodiazépines.
Pour Bernard Bégaud, Pharmacologue, épidémiologiste à l’université de Bordeaux*, responsable de l’étude sur les benzodiazépines, les autorités sanitaires n’ont pas mesuré l’ampleur du phénomène. Extrait de l’interview publiée dans le dernier numéro de Sciences et Avenir (octobre 2011, n°776, en vente dès jeudi 29 septembre).
Sciences et Avenir : Quel enseignement tirer des résultats de votre étude ?
Bernard Bégaud : En termes de santé publique, c’est un signal d’alerte très fort. Avec la nôtre, cela porte à neuf le nombre d’études qui ont été menées et dont la majorité va dans le sens d’une association entre la consommation au long cours de tranquillisants et somnifères et la maladie d’Alzheimer. […]
Les politiques se doivent-ils de réagir ?
Les responsables sanitaires devraient sérieusement s’inquiéter. D’un côté, notre pays fait une consommation délirante de benzodiazépines, de l’autre, nous savons que prendre ces traitements favorise l’entrée dans l’une des pires maladies qui soit. Cette affaire est une vraie bombe, mais les décideurs n’ont pas l’air de le réaliser. […]
Les avez-vous tenus informés de l’état de vos recherches ?
Oui. J’en parle depuis des années (1). Les dirigeants de l’Afssaps et la Direction générale de la santé (DGS) ont été informés. Mais personne n’y prête attention. […] On réagit après coup quand le problème est là au lieu d’anticiper. L’affaire du Mediator en est un bon exemple. […] Que préconisez-vous?
La moindre des choses serait de faire respecter les règles que l’on a soi-même édictées. A savoir limiter la durée d’utilisation de ces médicaments (2). Ensuite, chaque médecin devrait être prévenu des risques qu’il fait encourir en prescrivant des benzodiazépines au long cours. […] A-t-on une idée de l’étendue des dégâts ?
Dans l’affaire du Mediator, on parle de 500 à 2000 morts en trente ans. Avec les benzodiazépines, du fait de la consommation forcenée dans la population âgée, c’est beaucoup plus. La maladie d’Alzheimer est devenue la grande cause nationale. […] Pourtant on continue à prescrire en masse des traitements qui favorisent l’apparition de cette maladie. On marche sur la tête.
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