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Un premier traitement du diabète de type 1 |
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Chez une proportion importante des patients traités précocement les besoins en insuline sont très nettement réduits, et ce, même après 18 mois de suivi. Ces résultats publiés dans New England Journal of Medicine permettront, s'ils se poursuivent à plus long terme, de prévenir ou de réduire les complications du diabète en fonction du stade de la maladie. Ce principe pourrait également s'appliquer à d'autres maladies immunitaires telles que la sclérose en plaque, le psoriasis ou encore les maladies inflammatoires de l'intestin.
Le diabète de type 1, ou insulino-dépendant, est une maladie auto-immune, c'est-à-dire une réaction anormale de certains globules blanc (cellules lymphocytaires T), lesquels attaquent les tissus de l'hôte qui les héberge. On parle de diabète de type 1 lorsque les cellules du pancréas produisant l'insuline (cellules beta) sont progressivement détruites par les cellules lymphocytaires T. Ce processus irréversible induit peu à peu une diminution voire une disparition totale de l'insuline produite, empêchant ainsi une bonne assimilation du glucose par les tissus, lequel se retrouve en trop grande quantité dans le sang.
Quand le niveau d'insuline produit naturellement n'est plus suffisant et met la vie en danger, le seul traitement disponible aujourd'hui est palliatif : il consiste à apporter par injections quotidiennes, et après contrôle de la glycémie, de l'insuline de synthèse. Un traitement contraignant, à vie, qui nécessite une adaptation constante de la quantité injectée et n'empêche pas la survenue de complications de type rétiniennes, rénales, neurologiques et cardiovasculaires.
Empêcher la destruction des cellules bêta, voie principale de recherche
Deux voies de recherche parallèles et complémentaires sont en cours aujourd'hui. L'une consiste à mettre au point des techniques de greffes de cellules bêta d'îlots de Langherans afin de permettre au pancréas de produire à nouveau l'insuline. Or, bien que le stock de cellules bêta puisse être ainsi reconstitué, le processus auto-immun de destruction de ces cellules n'en est pas pour autant stoppé. D'où l'intérêt d'agir directement sur les lymphocytes T en s'opposant à leur action. Initiés aux premiers stades du diabète, de tels traitements permettraient de conserver une fraction significative de cellules bêta. Les premiers essais cliniques réalisés dans les années 80 avec la cyclosporine (immunosuppresseur utilisé notamment en traitement du rejet des greffes) avaient montré l'efficacité d'une telle stratégie dans la mesure où le traitement était commencé dans les semaines qui suivaient le début clinique de la maladie.
Malheureusement, il s'est avéré que pour maintenir l'effet thérapeutique, le traitement par cyclosporine devait être poursuivi indéfiniment, avec tous les risques de l'immunosuppression chronique à long terme : incidence accrue d'infections et de tumeurs notamment induites par certains virus…
Il fut, en conséquence, décidé d'arrêter cette voie d'approche et de retourner chez l'animal pour trouver une nouvelle méthode qui puisse avoir le même effet thérapeutique sans exposer aux risques d'une immunosuppression chronique. En d'autres termes, il fallait pouvoir restaurer la tolérance immunitaire aux cellules bêta.
Les anticorps monoclonaux : une piste suivie depuis 10 ans
L'étude multicentrique européenne dirigée par Lucienne Chatenoud de l'unité Inserm 580 et publiée dans le New England Journal of Medicine s'inscrit dans le prolongement d'essais prometteurs menés en 1994 sur un modèle de diabète auto-immun spontané de souris non obèse diabétique (NOD). La simple administration pendant cinq jours consécutifs d'une faible dose d'un anticorps monoclonal dirigé contre le complexe moléculaire CD3 (anti-CD3), lequel joue un rôle central dans l'activation des cellules T, avait permis d'obtenir chez la souris des rémissions de longue durée.
Le protocole thérapeutique décrit chez la souris a été ensuite étendu à des malades diabétiques. L'anticorps monoclonal anti-CD3, utilisé dans cet essai clinique a été produit à Oxford par le groupe de Herman Waldmann. Il s'agit d'un anticorps humanisé et génétiquement modifié pour ne plus entraîner les effets secondaires gênants et parfois graves observés avec l'anticorps anti-CD3 initialement utilisé en transplantation d'organes (OKT3).
Afin de déterminer l'efficacité à long terme et l'innocuité d'un tel traitement chez l'homme, l'équipe de chercheurs a mené un essai randomisé contre placebo en double aveugle sur 80 malades. L'essai a impliqué un ensemble de centres de diabétologie belges et allemands (B. Keymeulen, Chantal Mathieu, A. Ziegler). Les malades inclus dans l'essai ont été sélectionnés avec l'aide du registre belge du diabète (Daniel Pipeleers). Ces derniers avaient encore une production significative d'insuline endogène même si leur insulino-dépendance était complète et justifiait une insulino-thérapie intensive. Les patients se sont vu administrer une injection quotidienne d'anticorps monoclonal durant six jours.
75% d'insulino-indépendants à 18 mois
Les résultats obtenus montrent que le traitement par l'anticorps anti-CD3 induit chez un pourcentage important de ces malades un arrêt de la progression du diabète avec stabilisation de la production d'insuline endogène, voire une amélioration de cette production chez certains d'entre eux. Un effet qui s'est traduit chez la plupart des patients par une réduction considérable de la dose nécessaire d'insuline, en dessous du seuil généralement considéré comme une insulino-indépendance.
Dans le groupe des patients ayant la meilleure production naturelle initiale d'insuline, 75 % des malades ont vu leur besoin en insuline diminuer très nettement, contre aucun chez les patients ayant reçu le placebo. Le traitement par l'anti-CD3 s'est révélé bien toléré à l'exception de quelques maux de tête, troubles digestifs et réactions cutanées, tous très transitoires. Le seul effet secondaire ayant retenu l'attention des chercheurs a été l'apparition, également très transitoire, de signes cliniques et biologiques de mononucléose infectieuse dus au virus d'Epstein-Barr. L'excellente réponse immunitaire développée contre le virus par tous les malades traités témoigne de l'absence d'immunosuppression au terme du traitement de six jours par l'anticorps.
Ces résultats ouvrent des perspectives tout à fait nouvelles sur l'immunothérapie du diabète insulino-dépendant. Ils montrent que l'on peut arrêter la progression de la maladie prise à son début, ce qui peut ainsi permettre aux diabétiques de vivre avec leur propre insuline, une alternative très préférable à l'insuline exogène qui leur est administrée comme médicament. En effet, le pancréas, à la différence du traitement médicamenteux, peut s'adapter continuellement aux besoins métaboliques, notamment à l'exercice physique et aux quantités de sucre apportées par l'alimentation.
Ces résultats sont un formidable espoir pour les patients. Tout laisse penser que ce maintien de la production de l'insuline endogène, s'il se prolonge au-delà des dix-huit mois actuellement étudiés, diminuera ou préviendra les complications dégénératives de la maladie qui en font encore toute la gravité (rétinopathie, insuffisance rénale, accidents vasculaires). Le principe thérapeutique pourrait être étendu à d'autres maladies immunitaires, notamment à la sclérose en plaques et aux maladies inflammatoires de l'intestin, comme l'indiquent les résultats obtenus dans les modèles animaux de ces maladies. |
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