La plupart des anticancéreux récents n’ont pas d’efficacité prouvée
Publié par Administrateur le Octobre 09 2017 20:19:15
Seules 35 des 68 (51%) nouvelles indications de cancérologie accordées par l’EMA entre 2009 et 2013 sont associées à une augmentation de l’espérance de vie ou à une amélioration de la qualité de vie par rapport aux traitements conventionnels, au placebo ou à d’autres options thérapeutiques prises seules.

Nouvelles étendues
Seules 35 des 68 (51%) nouvelles indications de cancérologie accordées par l’EMA entre 2009 et 2013 sont associées à une augmentation de l’espérance de vie ou à une amélioration de la qualité de vie par rapport aux traitements conventionnels, au placebo ou à d’autres options thérapeutiques prises seules.

Ainsi, au moment de leur enregistrement, seules 18 des 58 autorisations conventionnelles de mise sur le marché avaient utilisé un critère principal fondé sur la survie globale, tandis qu’aucune des 10 AMM conditionnelles ne l’avait fait. Parallèlement, 10% de ces nouvelles indications avaient démontré une amélioration de la qualité de vie, mais aucune étude pivot n’avait choisi ce paramètre en tant que critère principal d’évaluation. Enfin, huit indications avaient été attribuées sur la base d’études à un seul bras, sans groupe contrôle.

Ainsi donc, la plupart des études (39, soit 57%) ayant abouti à l’obtention d’une autorisation européenne de mise sur le marché sont fondées sur les fameux ‘surrogate marker’ ou marqueurs de substitution : survie sans progression, taux de réponse et taux de réponse moléculaire, délai avant progression du cancer… sans qu’il n’existe d’indication fiable permettant de corréler ces paramètres à un gain en termes de qualité ou d’espérance de vie. C’est d’ailleurs ce constat qui a motivé l’équipe britannique en charge de cette analyse* à arrêter ses travaux aux AMM de 2013. L’idée étant de compléter les données issues des dossiers EPAR par celles d’études post-autorisation qui auraient été publiées ensuite ; et qui ont permis d’établir le chiffre de 51%. Pour les 49 autres pour cent, des incertitudes persistent donc quant à leur intérêt en termes de survie ou de bien-être pour les patients.

Malgré les limitations méthodologiques de ce travail (données EPAR incomplètes, qualité méthodologique médiocre des essais pivots…), ces résultats suggèrent que les exigences réglementaires actuelles ne permettraient pas d’aboutir à « un développement thérapeutique permettant de mieux répondre aux besoins des patients, des cliniciens et des systèmes de santé" remarquent les auteurs. «Lorsque des médicaments coûteux qui n'ont pas de bénéfices cliniquement significatifs sont approuvés et remboursés dans les systèmes de santé financés par des fonds publics, les patients peuvent en souffrir, des ressources importantes peuvent être gaspillées et l’offre de soins équitables et abordables est compromise » concluent-ils.

Faut-il s’étonner de ce résultat ? Il ne constitue en réalité qu’une réplique sismique de ce qui a déjà été décrit en 2015* à partir des autorisations accordées par la Food and Drug Administration (FDA). Et il vient illustrer scientifiquement pourquoi certaines divergences d’enregistrement apparaissent entre la FDA et l’EMA ou entre l’EMA et les décisions de remboursement du NICE depuis plusieurs années.

L’éditorial accompagnant la publication statut que « le recours à des études non contrôlées ou utilisant des marqueurs de substitution devrait être l'exception et non la règle » et que «lorsque de tels marqueurs sont utilisés, des études post-autorisation présentant des résultats cliniquement significatifs et centrés sur le patient devraient être mises en place, conduites et publiées ».

« Cette étude arrive à un moment où les gouvernements européens commencent à remettre sérieusement en cause le coût élevé des médicaments » explique le Dr Deborah Cohen, rédactrice en chef adjointe du BMJ, dans un article accompagnant la publication. L’auteure va plus loin en décrivant par l’exemple -indulgence sur la conception des essais, non respect de sa propre réglementation, tolérance pour des pratiques analytiques discutables- les limites auxquelles l’EMA se heurte et qui l’incite, parfois, à se déjuger. Des décisions qui enveniment ensuite le débat public, entre financeurs refusant le remboursement par la collectivité d’un médicament qu’ils jugent insuffisamment efficaces et espoir des patients dans des situations cliniques préoccupantes. Si « personne ne veux dire non à un médicament anticancéreux », comme le reconnaît Deborah Cohen, une réflexion sur la question doit urgemment engagée...



* Pour aboutir à ce résultat, les chercheurs ont passé en revue l’ensemble des EPAR (European public assessment reports) des premières autorisations de mise sur le marché (AMM) -conventionnelles ou conditionnelles- et ceux des extensions d’autorisation délivrées entre 2009 et 2013 à des traitements anticancéreux, hors indications pédiatriques. Ils y ont relevé les données des études cliniques randomisées et les ont complétées par une revue de la littérature afin d’identifier les études de même facture (études pivots et étude post-marketing) publiées après l’enregistrement par l’EMA.



References

Etude FDA :